Voie protohistorique faite pour les marcheurs et animaux sous l’époque des Uceni, elle a été aménagée en route carrossable pour le commerce et le passage des légions par les Romains.
Avant la conquête romaine, cette région est habité par les Ucènes (Ucennii en latin qui est à l’origine du mot Oisans). Cette peuplade, implantait sans doute depuis le 8e siècle avant J.-C, occupait le bassin de la Romanche avec les vallées affluentes et contrôlait de part sa position la voie commerciale entre Lyon et Turin via Grenoble, Bourg d’Oisans, le col de Lautaret, Briançon et Montgenèvre. Entourés par d’autres peuples indépendants comme eux, les Médulles, les Tricores, les Ceutrons, les Allobroges, ils jouissaient d’une existence propre et d’une autonomie complète à l’abri de la grande enceinte des monts qui les protégeait. Un sol fertile, des rivières, d’immenses montagnes procuraient des avantages exceptionnels non seulement pour son bien être intérieur, mais encore pour les échanges et le commerce. L’exploitation de mines nombreuses, ajoutait à ces avantages une source féconde de richesses. Les habitants du pays ucénien avaient une civilisation avancée (hypothèse corroborée par la découverte en plusieurs points de la région (Ventelon ,Venosc, …), d’objets divers et précieux, signes de distinction chez les peuples de la Gaule). Ainsi que tous leurs voisins, les Uceni étaient constitués en peuplade guerrière, chargée principalement de la défense du sol contre les ennemis du dehors. Les guerriers étaient des hommes robustes habitués à une vie laborieuse, aguerris par l’exercice périlleux de la chasse aux bêtes féroces, et préparés aux dangers de la guerre.
Le temps vint où ils allaient déployer toutes ces qualités contre un ennemi dont ils connaissaient la puissance. Rome, déjà maitresse d’une partie du monde, méditait la conquête des Gaules, et le pays des Uceni, situé non loin de la frontière italienne, pouvait lui fournir à cet effet un passage fort utile permettant d’accéder directement aux limites de l’empire romain. C’était le chemin le plus court de l’Allobrogie. En 58 avant J.-C, César dirigea ses troupes par ce chemin jugé plus favorable que d’autres à ses desseins ultérieurs. Mais, dès qu’il s’y fut engagé, il trouva les Uceni sur son passage. Chaque trajet tenté à travers leur peuplade était pour les Romains une série de luttes sanglantes où le nombre finissait toujours par l’emporter, mais qui n’en compromettaient pas moins le succès de leurs expéditions. Afin d’obtenir par là une circulation libre pour des légions il fallut d’abord dompter ces ennemis dont la résistance était si redoutable. Une dernière bataille fut livrée sur le plateau de Mont-de-Lans dans laquelle les Uceni, malgré une résistance opiniâtre et de valeureux efforts furent définitivement soumis et vaincus. C’est sans doute pour célébrer cette victoire décisive, qu’a été dressé, près du lieu qui en fut témoin, l’arc triomphal encore existant sur le territoire de cette commune, et connue sous le nom de « Porte des Romains ». Un monument de genre, élevé en cet endroit, signifiait de la part des vainqueurs l’importance du pays conquis et le prix qu’avait dû leur coûter la victoire. Rien ne prouva mieux d’ailleurs la vaillance et le patriotisme des Uceni, par la défense de leur pays contre l’invasion romaine, que l’honneur de voir leur nom inscrit, au rapport de Pline, sur le trophée des Alpes érigé par Auguste, au nombre des quarante peuples guerriers que Rome dut vaincre avant d’assujettir la Gaule.
Devenus maîtres du pays ucénien, les Romains s’empressèrent de mettre au service de l’invasion le chemin dont la possession leur avait été à cœur parce qu’ils en avaient compris toute l’utilité stratégique. La voie protohistorique était faite pour des marcheurs et des animaux, bâtés ou non, mais les Romains avaient besoin d’une route carrossable pour le commerce et le passage des légions. Pour cela, ils ont appliqué leurs talents de constructeur à l’édification de la route en haute montagne, route que la Table de Peutinger et l’Anonyme de Ravenne indiquent comme un grande voie transalpine. C’est la plus courte pour relier Rome à Lyon. La voie romaine sera aménagée entre l’an 13 et l’an 6 avant J.-C, sur le tracé de l’ancienne voie protohistorique en empruntant les bords de la Romanche au prix d’aménagements importants par les ingénieurs romains : c’est probablement ces travaux sur une route essentielle pour Rome qui ont frappé les esprits jusqu’à donner le nom de « Romanche » au torrent qu’elle suit sur une bonne partie de son cours. Lorsqu’ils eurent ensuite assuré leur domination sur les Gaules, les Alpes n’ayant plus pour eux de barrière, leur empire s’étendait incontesté sur les deux versants de la chaine centrale. Les provinces du versant occidental formaient la Gaule transalpine, et celles du versant oriental, la Gaule cisalpine. Chacune d’elles avaient ses villes métropoles et ces villes privilégiées étaient reliées entre elles par des voies spéciales qui franchissaient les chaines. Au nombre de ces métropoles se trouvaient la cité de Turin, pour la Gaule cisalpine, et celle de Vienne pour la Gaule transalpine. On songea à rattacher l’une à l’autre ces deux cités importantes, et le lien le plus direct pour elles se trouva dans la voie, des Alpes Cottiennes ou Briançonnais venait traverser la contrée des Uceni ou l’Oisans, et passait à Grenoble pour aller aboutir à Vienne. Les Romains ; qui connaissaient cette voie, la choisirent et la mirent dans l’état de viabilité convenable, à travers la montagne. Classée Parmi les voies consulaires, celle-ci eut une largeur de 5 mètres, et fut rendues partout carrossable sur son parcours dans le pays ucénien ; 3 ou 4 localités, situées à des distances à peu près égales (Gavet, Boug d’Oisans, Mont de Lans, Villar-d’Arêne), furent constituées en stations pour les étapes militaires, pour le campement des légions, le relais des chars etc. Afin de compléter le système de leur stratégie sur la contrée, une nouvelle ligne fut établie par eux, qui, se détachant de la Voie vers le milieu de son trajet dans le pays ucénien, allait, par la montagne d’Auris de Brandes, d’OZ et par la vallée d’Olle, passer le Col de la Coche, pour rejoindre, au delà de la chaine, la voie romaine de la vallée supérieure de l’Isère. Cette ligne, en se bifurquant sur le plateau de Brandes fournissait une voie latérale au grand établissement fondé par les Romains sur cette montagne, pour l’exploitation des mines des Rousses, devenues aussi leur propriété, et pour la communication de cet établissement avec la voie principale. Aussi bien que celle-ci, ces deux voies secondaires existaient probablement avant les romains, qui ne firent que les transformer, en les agrandissant. A la différence des routes qui leur ont succédé, ces voies, dans leur parcours en Oisans, se tenaient généralement sur les hauteurs évitant les vallées, à cause des torrents qui les couvraient de leurs divagations. Dans leur marche, elles avaient même à parcourir des plateaux élevés, tels que ceux de Paris, de Rif-Tort , de Brandes etc. Ces plateaux, que leur hauteur moyenne de 1800 mètres et un rude climat rendraient impraticables aujourd’hui pour une voie publique, étaient sous les Romains et plusieurs siècles après, couverts de forêts ou de cultures et habités. Ainsi l’attestent, avec la tradition, des traces de terrains cultivés, des actes publics d’aliénation de parcelles, aux archives des communes, la découverte de bois enfouis et la présence de nombreuses ruines d’habitations. Là où la culture était possible, où végétaient des forêts et où l’homme pouvait résider, la climature des lieux ne mettait aucun obstacle à une circulation continue.
Cette circulation fut très active, tant que dura l’empire gallo romain et s’affaiblit après sa chute. Elle cessa tout à fait au XIV siècle. Un déboisement destructeur des bois qui ombrageaient ces plateaux détermina la ruine de la Voie par l’influence fatale qu’il exerça sur eux. A sa suite, la température s ‘y abaissa, le climat devint âpre et rigoureux le sol aride et les habitations se dépeuplèrent. Chassée de ces hauts lieux avec la population, la circulation publique descendit dans les vallées. La même cause eut, sur d’autres points de l’Oisans des effets non moins désastreux pour la voie. Le sol déjà désorganisé par les guerres fut de plus en certains endroits bouleversé par le déboisement. Privés de la garantie que la végétation et les bois leur avaient assuré contre les eaux, des terrains fortement inclinés croulaient dans les précipices avec la voie qu’ils supportaient. Tels ont été les changements survenus, de ces diverses manières, en quelques lieux où passait la Voie, qu’ils semblent y rendre aujourd’hui, son passage impossible. Des causes d’un autre genre contribuaient aussi un peu partout dans l’Oisans, au dépérissement de la Voie. Une fois délaissée, sa trace était en grande partie absorbée par les cultures qui l’avoisinaient ; dans les bois dans les champs, peu à peu elle disparaissait ignorée ; des chemins communaux s’en appropriaient des parties à leur convenance, sans se souvenir de leur antiquité vénérable. Du moins, un peu partout aussi, des sentiers gardaient sa place, et témoignaient de son existence passée, jusque dans les endroits les plus solitaires.
En complément : Les traces les plus anciennes d’habitat temporaire relevé en Oisans remontent au mésolithique (environ 7000 ans avant J.-C). Au début du second millénaire avant J.-C, une trace d’exploitation minière est découverte près de Vaujany. Les artéfacts en terre cuite, en bronze, en cuivre trouvés à Mont-de-Lans et Villard-Notre-Dame apportent les preuves d’une implantation permanente à partir du 8e siècle avant J.-C. Certains objets importés montrent l’existence d’un commerce entre l’Italie et la France.
Sources:
http://www.eric-tasset.com/
http://aimebocquet.com/index1.htm
http://jean.gallian.free.fr/bell2/histoire/histmat.html
Archives mensuelles : mars 2017
Le Dauphiné
Le Dauphiné, principauté indépendante au milieu du moyen âge puis province royale jusqu’à la révolution, tient son unité de l’histoire. Son territoire si vaste et divers – des Ecrins à la vallée du Rhône, des confins de la Bresse aux terres Provençales – ne favorisait pourtant pas une unité économique ou démographique, ni la formation d’une véritable identité culturelle. Cependant durant près de 800 ans, une construction politique forte a permis à cette région d’exister et de se développer. Aujourd’hui éclaté sur trois départements (Isère, Drôme, Hautes-Alpes), le Dauphiné reste une identité forte et bien ancré dans la mémoire des Dauphinois.
Occupé jadis par des tribus Gauloises dont les Allobroges, ce vaste territoire fut conquit par les romains à partir de 125 av. J.-C. A la fin du 5e siècle, profitant de l’effondrement de l’Empire romain d’Occident, les Burgondes fondent un vaste royaume qui couvre pratiquement tout le Sud-Est. Intégré au royaume des Francs mérovingiens à la fin du 6e siècle, ce territoire prend le nom de royaume de Bourgogne. Au 9e siècle, l’éloignement des centres du pouvoir, l’aspiration des aristocrates à une plus grande autonomie, la révolution castrale (multiplication des châteaux « privés ») favorisent l’émergence d’une conscience régionale. C’est du sein de ces lignages aristocratiques que s’affirme au début du 11e siècle, la famille des Guigues (comtes d’Albon) qui portera un siècle plus tard le titre de Dauphin. Loin des plaines du bas pays ou la concurrence des autres familles est trop forte, c’est dans les zones de montagnes que les premiers Dauphins vont établir leur autorité. Il faut attendre 1285 et la troisième génération de princes pour voir apparaitre la première occurrence du mot Dauphiné. En 1349, Humbert II cède la principauté du Dauphiné à la couronne de France et confie son pouvoir au petit-fils du roi de France, le futur Charles V (d’où le nom de « Dauphin » donné à l’héritier de la couronne). Durant plus de deux siècles, le Dauphiné conserve encore une certaine autonomie (assemblée autorisée à négocier l’impôt royal, droit de battre une monnaie ayant cours par tout le royaume, …). Au milieu du 17e siècle, Louis XIV parle de province du Dauphiné et non plus de principauté. Vocabulaire chargé de sens qui signifie le passage de l’héritage féodale « principauté » à des parties bien délimitées du royaume soumises à l’autorité du roi. Le 18e siècle fut une période de prospérité et de croissance économique pour le Dauphiné, dont la bourgeoisie, qui en récolta les fruits, fut à la tête du mouvement de contestation qui aboutit à la révolution puis à l’éclatement du Dauphiné en trois départements (Isère, Drôme, Hautes-Alpes) en février 1790.
Pratiquement, deux siècles plus tard, en 1982, le Dauphiné se trouva de nouveau partagé entre les régions Rhône-Alpes (comprenant la Drôme et l’Isère) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (incluant les Hautes-Alpes). Malgré tous ces découpages, le souvenir du Dauphiné perdure dans les mémoires, notamment à Grenoble qui fut durant plusieurs siècles le siège du parlement Dauphinois. Le drapeau du Dauphiné, dans sa version royale, est toujours fièrement affiché aux portes de Grenoble.
Pourquoi un Dauphin, symbole du Dauphiné ?
L’emblème du Dauphin est arboré par quelques chevaliers au retour de la première croisade (1099) dont les comtes d’Albon. Le Dauphin représente un animal de salut et de triomphe. Certains comtes d’Albon vont s’approprier ce symbole d’abord comme prénom (Delphinus), puis comme nom patronyme et enfin comme un titre de dignité. Il prend définitivement ce dernier sens à la fin du 13e siècle, avec l’avènement d’Humbert 1er.
Sources :
Nouvelle histoire du Dauphiné, édition Glénat
Histoire du Dauphiné, édition Yoran