La légende de Saint Véran raconte que, l’évêque de Cavaillon, blessa un dragon qui ravageait la région et le chassa en lui ordonnant d’aller mourir dans les Alpes …
https://youtu.be/N-l7SMLSaRQ
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Les via ferrata
La première via ferrata date de 1843. Installée sur la voie normale du Hoher Dachtein (Autriche), elle permettait un accès aisé sur ce sommet de 2995m. S’inspirant des techniques Autrichienne, l’armée Italienne développe au début du XXe siècle ce concept en équipant certains passages escarpés des Dolomites avec des câbles et des échelons pour permettre aux troupes alpines de se déplacer rapidement d’une vallée à l’autre avec du matériel lourd voire d’accéder sur les points hauts pour positionner des pièces d’artillerie.
Les premiers itinéraires s’adressant au grand public sont créés à partir des années 1980 et en France, la première via ferrata est construite dans les Hautes-Alpes à Freissinières en 1988. Le succès est immédiat et d’autres itinéraires sont rapidement tracés à l’aiguille du Lauzet et aux Vigneaux (05). En 1992, on dénombrait 6 via ferrata en France, 70 en 2000 et plus de 200 en 2016.
Equipées à grand renforts d’équipements métalliques : barreaux, câbles, échelles, rampes, marches, etc, les via ferrata d’aujourd’hui permettent de parcourir les parois les plus verticales voire même de franchir des ravins, des surplombs et offrent ainsi un accès grandement facilité aux néophytes désireux de découvrir le monde vertical. C’est même devenu une activité à part entière avec ces codes, équipements, topos, … et cotations qui vont de F (Facile) à ED (Extrêmement Difficile). Cependant aucune comparaison n’est à faire avec l’escalade et l’alpinisme ! Quelqu’un de sportif et qui n’a pas l’appréhension du vide peu aisément se lancer dans des via ferrata de niveau ED.
Photos : Via ferrata des Vigneaux au tout début des années 90 avec un équipement rudimentaire (ni casques, ni longes, …) totalement proscrit aujourd’hui !
Gardiner et les Pilkington, pionniers de l’alpinisme sans guide
La première ascension sans guide de la Meije revient à Gardiner accompagné des frères Pilkington qui réussiront cet exploit en 1879, soit deux ans après la première ascension. A la fin des années 1870, les montagnes de l’Oisans sont fréquentées par un petit nombre d’initiés, notamment anglais. Tout ce petit monde se connait bien et chaque nouveau venu fait l’objet d’une enquête en règle : qui il est, quels sont ses projets et ses ambitions pour les années futures. Ce microcosme est aussi entretenu par la rareté des hébergements qui sont des plus sommaires : Gauthier ou Giraud à Vallouise, Juge à la Grave. En 1878, deux protagonistes qui ont des ambitions bien distinctes vont partager durant une semaine l’ascension de différents sommets du Pelvoux. Il s’agit de W.A.B Coolidge, de ses guides et de Frederick Gardiner. Le premier a entrepris l’exploration méthodique des Alpes et collectionne les premières. Le second est davantage attiré par l’aventure et l’exploit sportif. Gardiner connait moins bien l’Oisans que Coolidge mais a beaucoup fréquenté les alpes Suisses. Il a été le premier à fouler l’Elbrouz, point culminant du Caucase, avec Horace Walker en 1874. L’aventure est pour lui un affrontement direct avec la montagne qui ne tolère aucun intermédiaire. Depuis quelques années déjà des cordées se lancent dans des ascensions difficiles sans l’aide d’un guide. Deux amis, Charles et Lawrence Pilkington et lui-même ont été impressionnés par la première « sans guide » du Cervin, en 1876, par trois anglais. C’est bien cela l’aventure, pensent-ils, la liberté d’assumer l’entière responsabilité de la course. L’important est que la cordée soit homogène. Gardiner, comme les Pilkington, a longtemps grimpé avec des guides. Chacun d’entre eux est capable de conduire la cordée et a une confiance égale dans les deux autres. cette même année 1878, on retrouve les trois compères, sans guide donc, aux Ecrins, à la pointe des Arcas, au pic Joselme. « Sans guide » ne veut pas toujours dire sans porteur. Leurs détracteurs ne manqueront pas de souligner cette ambiguïté. En revanche, l’engagement des grimpeurs est plus intense. Gardiner et les Pilkington se donnent les moyens de bivouaquer, conçoivent une espèce de sac de couchage triplace et divers modèle de piolets.
L’année suivante, Gardiner revient dans les alpes du Dauphiné avec ses amis et une idée en tête. Les deux raisons pour lesquelles ils choisissent ces montagnes d’Oisans valent d’être citées: « parce qu’elles comprennent encore des cimes vierges ; parce que, n’ayant pas de guide, cette manière d’agir devait être moins perceptible d’éveiller l’attention en ce pays que dans d’autres régions des alpes plus à la mode. » Et parmi ces régions « à la mode » il y a Zermat et le Cervin dont la première ascension, en juillet 1865, se termina par la mort de quatre grimpeurs. L’alpinisme connu alors pendant plusieurs années une sorte de « paralysie » selon le mot de Coolidge. La cordée accidentée avait pourtant ce qu’il fallait de guides et d’expérience, mais un pas avait été franchi. L’aimable délassement de gentlemen fortunés pouvait viré au drame. Pour de longues années, l’opprobre est jeté sur les jeunes inconscients qui se lancent à la conquête des montagnes au risque de priver la couronne d’Angleterre de ses plus brillants sujets. Coolidge décrit les premiers alpinistes qui osèrent, après l’accident, reprendre le chemin des cimes : « … opérant autant que possible loin des regards curieux, ceux-ci allaient et venaient désormais comme des coupables, objets de réprobation mal déguisée de la part de la foule des touristes ordinaires. »
En Oisans donc, on est tranquille. Pour mener à bien leur projet, en plus de l’expérience et la discrétion, il leur faut assez de courage pour briser une tradition, un tabou. C’est inimaginable ce qu’ils vont tenter, la Meije sans guide, une sorte d’Everest sans oxygène pour oser une comparaison moderne. Et s’ils n’ont pas relaté leur ascension, « un défi à la raison », on sait que, parfaitement préparée, elle s’est déroulée sans incident. Les trois hommes trouvent au sommet quelques reliques laissées par les précédents ascensionnistes, en prélèvent des échantillons qui permettront d’authentifier leur exploit et déposent à leur tour un peu de pacotille dans cette boite au trésor. Il est coutume à cette époque de déposer dans une boite de fer blanc divers objets, morceaux de tissus, lettres signées, …C’est le moyen le plus sûr d’attester d’une ascension, aussi bien pour celui qui à déposé l’objet que pour celui qui va le trouver. L’année précédente alors qu’ils avaient employé deux porteurs lors de plusieurs ascensions dans le Valgaudemar, une presse pointilleuse avait mis en doute qu’ils aient grimpé pour de bon sans guide. Cette fois les indices récoltés au sommet de la Meije suffiront et Coolidge, croisé quelques jours plus tôt à la Bérarde, ne tarira pas d’éloges à propos de « cette course, la plus audacieuse et la mieux réussie de toutes celles qu’ont faites jusqu’à présent les ascensionnistes les pus hardis, et qui mérite sans contestation la première place dans les annales des alpes ».
Au cours des années suivantes, Gardiner et les Pilkington continueront d’aligner les premières sans guide, toujours avec le même souci de rigueur et de préparation et en conservant l’esprit d’aventure et d’engagement qui, selon eux, était le propre de l’alpinisme. Rien ne les opposaient aux guides, auxquels ils avaient également recours, si ce n’est la volonté d’être acteurs et responsables de leur expédition, pour qu’elle ait, à leurs yeux, une vraie valeur humaine. Revenant sur le sujet de l’escalade sans guide dans son grand ouvrage « Les alpes dans la nature et dans l’histoire (1913)», Coolidge en fait un des traits de l’alpinisme moderne, en rupture avec celui des pionniers, au même titre que la préférence donnée au rocher plutôt qu’aux courses sur glacier.
Pour être exhaustif, il faut aussi mentionner d’autres précurseurs tels que Charles Hudson qui fit la première sans guide du Mont Blanc en 1855, Albert Frederick Mummery, Les frères Zygmondy, Eugen Guido Lammer et sans doute d’autres …
Source: Profils Briançonnais de R. Siestrunck
Refuges des Ecrins
30 refuges sont situés dans la zone centrale du Parc National des Ecrins. Ceux-ci peuvent constituer un but de randonnée, mais aussi un point de passage pour aller plus haut, vers les cols ou sommets ! Les premiers refuges de montagne étaient de simples abris, bivouacs sous des rochers ou dans des endroits propices (replats). Les emplacements étaient connus des bergers, chasseurs, alpinistes et se transmettaient par le bouche à oreille. Sous l’impulsion des alpinistes Anglais, le développement des refuges se fait dans la seconde moitié du XIXe siècle d’abord côté Mont Blanc puis s’étend dans les autres massifs alpins, notamment dans les Ecrins. A l’origine, de construction précaire en bois et ou pierres, ils étaient ouverts à tous. Aujourd’hui, ce sont des édifices solides, bien souvent gardés et donc payants avec nécessité de réserver sa couche en pleine saison sous peine de devoir dormir dehors !
C’est sans doute en 1779, au Montenvers à 1913m d’altitude, que le premier refuge en pierre est construit. En 1853, c’est le refuge des Grands Mulets (3050m) qui ouvre la construction des refuges de montagne, étapes pour accéder aux sommets. En Oisans, il faut attendre 1877 pour voir les premiers refuges avec Cézanne et l’Alpe de Villar d’Arène, le Châtelleret et le Carrelet en 1882, la Lauze (Evariste Chancel) et Tuckett en 1886, le Pelvoux en 1891, le Promontoire en 1901, Carron (Ecrins) en 1903, l’Aigle en 1910, …
Pour partir à leur découverte, RV sous l’onglet Randonnées puis Refuges des Ecrins
Refuge de la Pilatte
Situé à 2580m, au cœur du massif des Ecrins, le refuge de la Pilatte est construit sur un promontoire morainique dominant le glacier de la Pilatte. Or depuis quelques années, le socle granitique qui porte le refuge présente des failles qui sont auscultées depuis 2011. Ce phénomène s’explique par le recul du glacier qui en se retirant provoque une décompression des versants libérés. Depuis 1990, le glacier de la Pilatte a perdu près de 50 mètres d’épaisseur. Si cette menace se confirme, le refuge pourrait être reconstruit plus bas dans la vallée.
Source : Destabilisation du refuge de la pilatte
Lac, légende et Chapelle Ste Anne
Le lac Sainte Anne s’appelait autrefois lac de l’Adoux. Le changement de nom est lié à la légende: Il y a fort longtemps, sans doute au XVIIe siècle, deux jeunes bergers s’étaient confectionnés un radeau de fortune et s’étaient laissés pousser doucement par le vent vers le centre du lac qu’ils comptaient traverser. Hélas quand ils furent arrivés au milieu, plus un souffle d’air. Impossible de revenir. Le soir tombant, leurs parents finirent par s’inquiéter et après de longues recherches, les trouvèrent coincés sur leur frêle esquif. Instructions, exhortations, conseils divers… rien n’y faisant, ils n’eurent plus que la ressource de se jeter à genoux et d’implorer Sainte Anne qui protège si bien les navigateurs. Ils lui promirent, s’ils retrouvaient leurs enfants, de lui construire une chapelle. Sainte Anne les entendit de sorte qu’une brise légère se leva et ramena les enfants jusqu’à la rive.
La construction de la chapelle remonte au XVIIe siècle voire même plus tôt. La première procession pour demander la pluie remonte à 1699. De nos jours, la procession perdure et les gens prient afin qu’il n’y ait pas de sécheresse. Situé à 2414m, au pied de la Font Sancte, le lac profond d’une vingtaine de mètres, est aussi un magnifique but de randonnée.
Falaise de Crept
Samedi 29 mai, journée entretien par le club HOTROC à la falaise de CREPT.
Remise en état du sentier d’accès au secteur “MERCI LA VIE”, nettoyage des voies des secteurs “PONCHETTE” et “TRAVAUX D’HERCULE”, Remise en état du sentier vers “SENTEUR FRAICHEUR”, débroussaillage du sentier dans toute la partie entre les secteurs “FRED” et “TRIANGLE”.
Quelques photos (source B. FARA)
La Vallouise et les Vaudois
L’histoire de la Vallouise et des Vaudois est fortement liée. Affluente de la Durance, la vallée de la Vallouise s’enfonce profondément dans le massif des Ecrins et donne accès à un des hauts lieux de l’alpinisme : Ailefoide. C’est une des portes d’entrée du massif des Ecrins. Longue de 25 km, elle s’étage entre 1000m et 1900m. Elle est dominée par le Pelvoux et vient mourir au pré de Madame Carles, sous les Ecrins. Mais sous ce doux nom se cache une histoire mouvementée !
Au commencement était « Vallis Gerontonica », la vallée du Gyr, nom attesté dès 739, tout droit tiré de sa position géographique. Puis vint l’intermède tragique des persécutions contre les Vaudois. Alors « Vallis Gerontonica » devint au XIIIe siècle « Vallis Puta » (Vallée mauvaise), refuge des populations jugées hérétiques . En 1486, elle prit pour nom de « Vallis Loyssia » en l’honneur du roi Louis XI, qui demanda que prennent fin les poursuites contre les Vaudois. « Vallis Loysia » s’écrivit successivement « Valloyse », puis « Val Loyse », enfin « Vallouise », nom qu’elle abandonna quelques temps sous la période révolutionnaire à la fin du XVIIIe-début du XIXe siècle pour « Val Libre ».
Mais qui sont ces Vaudois, traqués et persécutés durant près de six siècles ?
Au XIIe siècle nait une confrérie religieuse, issue de la doctrine de Pierre Valdès, riche commerçant Lyonnais parti prêcher la parole du Christ sans être ordonné. Avec ses disciples, il sera excommunié en 1184. Les Vaudois littéralement « pauvres de Lyon » militent pour le dépouillement, la simplicité, l’aide aux pauvres et réfutent une église trop fastueuse.
Après 1292, à la fin de la répression contre les Cathares, l’église va se retourner contre ce nouveau mouvement de contestations. Ils seront alors persécutés et se réfugieront dans les vallées dauphinoises (les Escartons), dans le Lubéron, le Bugey et dans toutes les Alpes, en particulier sur leur versant Est. Les Vaudois sont jugés hérétiques, emprisonnés, leurs bien confisqués. les persécutions s’intensifient sous l’inquisition, menée par les archevêques d’Embrun et les seigneurs locaux, dont le Dauphin Humbert II. Les Vaudois quittent les grandes vallées et trouvent refuge dans les vallées perchées du Briançonnais : Freissinères, Vallouise, Fournel seront pour un temps leurs terres d’asile.
En 1393, l’inquisiteur « diabolique », François Borrely, fera brûler vif 230 Vaudois, dont 150 Vallouisiens, sur la place de la tour brune à Embrun. Ceux survivant au massacre iront se cacher encore plus profondément dans les montagnes. En 1478, un semblant de sursis leur est accordé par Louis XI qui les défend contre les exactions de Jean Baile (archevêque d’Embrun). Mais après la mort du roi, la chasse reprend de plus belle.
De nombreux noms de lieux rappellent ces tristes épisodes, véritables massacres de familles entières : la Grotte des Vaudois et le Cimetière des Vaudois dans la vallée de Freissinières ; La Serre des Hommes Morts ou Baume Chapelue à Ailefroide. On raconte qu’à cet endroit, des dizaines de Vaudois furent contraints de se jeter dans le vide et leurs chapeaux restèrent accrochés sur la falaise.
Une embellie arrivera au XVIe siècle. En 1501, les Vaudois seront absous par le Pape Pie III et Louis XII ordonnera la restitution de leurs terres. Malheureusement, François 1er n’aura pas la même tolérance que son prédécesseur. En 1545, avec son aval, tout une communauté est massacrée dans le Luberon. Plus de 3000 personnes sont torturées et tuées, plus d’un millier d’hommes envoyés aux galères. En 1532, Ils seront « obligés » d’adhérer à l’église protestante mais cela ne mettra pas fin aux persécutions. Il faudra attendre le 17 février 1848 pour que les Vaudois puissent enfin avoir des droits civiques et la liberté religieuse.
Histoire des Ecrins
Ce point culminant du massif ne s’est pas toujours appelé ainsi. Son nom a divagué sérieusement, sans doute parce qu’il est situé au centre du massif et peu visible depuis les vallées. Au XVIIe siècle, c’était la Montagne des Glacières ou des Verrières ou de l’Aile-Froide. Plus tard, Pic ou Pointe des Arsines ou d’Oursine. La carte de Bourcet (1758) l’appelle Pointe des Verges. Sur le versant de Saint-Christophe, ce fut “La Tête des Trois Bœufs”…
C’est la carte d’état-major (1853) qui lui a donné un nom définitif. Mais alors pourquoi Ecrins? Le plus simple évidemment est de tirer son origine du mot “Ecrin” signifiant, dans l’Embrunais en particulier, coffre et par extension “Vallon fermé” la pointe ou barre des Ecrins étant alors la pointe qui domine le vallon fermé du Glacier Blanc. A rapprocher du Val d’Escreins près du Col de Vars dominé par la Font-Sancte. Mais cette étymologie est trop simpliste, on n’a jamais donné au vallon du Glacier Blanc un tel nom. La vérité est plus simple: le nom d’un sommet est souvent le nom de ce qu’il y a de plus caractéristique à ses pieds.
En fait, l’histoire est celle-ci. Lorsque les officiers cartographes vinrent établir la fameuse carte d’état-major qui fixa les noms, ils demandèrent aux gens de Vallouise le nom de cette montagne et on leur dit c’est la pointe d’Escrins, c’est -à-dire des coffres. En effet le XIXème siècle fut une période d’intenses recherches minières. Des coffres de bois ayant été placés en plusieurs endroits, le long des rochers au dessus de la rive gauche du Glacier Noir, on y faisait couler l’eau des ruisseaux et on la filtrait pour tenter de recueillir des traces de métal, de l’or, cet or plus ou moins mythique qui enivrait les montagnards de l’époque. Ainsi naquirent les Ecrins.
Source : Livre « Noms de lieux, quelle histoire ! » de Pierre Barnola et Danièle Vuarchex
Le chamois, animal emblématique des montagnes !
Il allie la grâce à l’aisance dans ses déplacements que ce soit dans les éboulis, les pentes raides, les passages rocheux ou sur la neige dure. Son allure fragile n’est qu’apparente. Robuste et fort, il a un cœur puissant que tous les alpinistes lui envient et qui lui permet d’accomplir des efforts étonnants comme de gravir 1000 m de dénivelé en 15 minutes !
La période de reproduction a lieu fin novembre, aux premières neiges. Elles sont l’occasion de belles poursuites et de sévères batailles entre mâles. La femelle met bas en mai un chevreau qui ne quitte pas sa mère d’un sabot pendant toute une année, avant de prendre son indépendance. Il vit entre 15 et 20 ans.
Le Chamois est herbivore, il mange diverses herbes mais aussi des arbustes tels que le sorbier. Durant l’hiver, il se replie sur des herbes sèchent et aiguilles de conifères qu’il trouve en grattant la neige avec ses pattes.
Le principal « prédateur » du chamois, c’est l’hiver. Ensuite c’est l’homme car le chamois est un gibier apprécié, mais il y a aussi l’aigle qui s’attaque aux jeunes isolés, le renard qui ne pourchasse que les jeunes, le loup et le lynx quand ils sont présents.
Le massif des Ecrins abrite environ 15 000 chamois. En tout il y a environ 50 000 chamois dans les Alpes françaises.
Source: PNE
Horloge des Hermes
Bâtie sur une éminence stérile (hermes en langue d’oc) l’horloge des Hermes domine l’Argentière-la-Bessée depuis près d’un siècle. L’histoire commence en 1906, date à laquelle un bail est signé entre Monsieur Gilbert Planche ingénieur hydroélectrique, ses ayants droit et la commune. Ce bail concernait la cession des droits communaux aux abords du torrent du Fournel afin d’y établir une usine électrométallurgique, mais stipulait aussi que le preneur s’engageait à mettre en place deux horloges d’une des meilleures marques modernes, chacune avec quatre cadrans d’un mètre de diamètre, sonnant les heures et les demies, l’une destinée au clocher de l’église de L’Argentière, l’autre destinée au clocher de l’église de La Bessée-du-Milieu. Les travaux ont sans doute débutés en 1909, date à laquelle l’usine qui permettait de fabriquer de l’aluminium fut inaugurée. Après maintes péripéties et la guerre, seule l’horloge située sur le rocher dominant l’Argentière est maintenue. Elle permettait d’être visible par tous et notamment des ouvriers. Achevée en 1922, elle est aussi appelée “l’horloge des patrons”, ces derniers pouvaient surveiller la ponctualité des employés.
Falaise de Crept
Mercredi 27 avril, grosse journée nettoyage au secteur « Merci la vie » avec Jean Noël et Jean Marc. Réfection des terrasses, nettoyage rampe d’accès à la vire, purge et dégagement falaise à gauche de « La lignée ». La suite WE du 28 et 29 mai …
La Maison du Roy
Ce hameau situé à 5 km de Guillestre, au confluent du Guil et du Cristillan, s’appelait autrefois Pont la Pierre. La tradition rapporte que Louis XIII se rendant en Italie en 1629 se serait arrêté, le 28 février, à l’auberge située dans ce lieudit. La légende veut qu’il se soit plaint du prix, trop élevé à son gré, des œufs que lui vendait l’aubergiste. « Les œufs sont donc bien rares dans ce pays pour qu’ils soient si chers » dit-il. « Sire » répartit le Queyrassin, « ce ne sont pas les œufs qui sont rares ici, c’est la présence de votre majesté ». Dans les archives du Queyras, ce hameau est appelé « Maison-du-Roy » depuis ce moment en raison d’une « sauvegarde du Roy » accordée à l’aubergiste. Il bénéficia d’une réduction des tailles et d’une exemption de corvée, à condition de fournir à bon prix le gîte et le couvert et ce, pendant toute l’année, aux voyageurs et aux soldats de la garnison de Château-Queyras.
Source: Le courrier du Queyras (août 1971)
En Vallouise, il y a longtemps !
En 1855, le glacier Blanc et Noir se côtoyaient au bout du Pré de Madame Carle. Le récit de B. Tournier paru en 1901 nous fait découvrir cette région du bout du monde, effrayante, sauvage mais belle !
En Vallouise, il y a cinquante ans (par M. B. Tournier)
Quel que soit le merveilleux et charmant pouvoir de la photographie, du dessin, et même de la peinture, il y a dans la nature des choses qu’ils ne peuvent représenter qu’imparfaitement, et qu’il faut avoir vues pour les connaître. Qui saura jamais ce que sont le désert, la mer, la forêt, la haute montagne, s’il ne s’est trouvé devant eux ? Il en est ainsi du glacier. Il manque quelque chose à ceux qui n’ont pas vu de près ce formidable entassement de neiges persistantes, ou déjà vitrifiées, ces masses mouvementées qui ressemblent tantôt à des cascades, tantôt à de grands fleuves surpris et figés dans leur course ; ce vaste dos qui promène sans effort les débris rocheux détachés des sommets voisins et s’en nettoie sans cesse, les ramenant en moraines serpentueuses sur ses bords ; ces petits lacs d’émeraude ; ces crevasses mystérieuses et effrayantes ; ces renflements hérissés de puissantes arêtes de glaces ; enfin, au bas, la voûte féerique qu’on dirait taillée dans le cristal, et d’où le torrent s’échappe bruyant et joyeux, comme chantant sa naissance et son bonheur de trouver la lumière.
Dans son ensemble, le glacier forme un tout. On dirait un grand être chargé de concentrer le froid et de représenter sa puissance. En haut, son vaste corps semble se souder à la roche et se confondre avec la neige pure des sommets, pendant que, la tête en bas, logée dans les flancs de la montagne, sa gueule vitreuse vomit sans cesse l’eau glacée.
Le glacier et assurément une des plus grandes curiosités alpestres, une merveille de glace, un chef d’œuvre du froid. Cependant, tout figé, immobile et mort qu’il paraisse, il est en réalité plein de vie. Jamais il ne se repose ; en dessus comme en dessous se fait une œuvre incessante ; il travaille et il est travaillé ; il se détruit et se renouvelle. Puis en vertu des lois admirables de transformation déposées par le Maître ouvrier dans la nature, alors qu’il semble ne pouvoir tirer de son sein que le froid et la stérilité, il devient une puissance bienfaisante, et ne rejette que des trésors de fraîcheur et de vie, qui vont apporter au loin la joie et la fécondité.
Quand on a vu les glaciers, on comprend l’irrésistible attrait qui pousse ceux qui reviennent les visiter ; et ceux aussi qui, épris pour eux de passion ou de curiosité, se sont établis pendant des mois sur leurs bords pour les observer et ravir les secrets de leur mystérieuse existence.
Les Alpes du Dauphiné sont dotées de glaciers magnifiques soit par l’étendue, soit par l’originalité. Le glacier Noir et le glacier Blanc, au fond de la Vallouise, sont de ce nombre. Malheureusement, il manque d’en bas d’un bon point de vue : le premier, tournant et remontant à gauche, va s’enfoncer dans les contours sinueux d’un cirque de roche absolument clos ; le second, suspendu à droite dans une haute vallée, ne présente aussi que son point d’arrivée et de déversement. On ne peut juger de la beauté et de l’étendue de ces glaciers, et généralement des glaciers de la région du Pelvoux, que par des ascensions, ou le passage des cols auxquels ils aboutissent : de là ils sont splendides.
A cette heure, avec le mouvement de recul auquel ils sont soumis, la partie basse de ces glaciers a beaucoup perdu de sa grandeur et de son charme. En se retirant et se séparant, ils ne laissent après eux qu’un dépôt informe et laid, un entassement de pierres et de boues qui s’allongent toujours, un pêle-mêle noirâtre, pour longtemps sans avenir pour la végétation qui seule pourrait l’adoucir. En Suisse, en Savoie et même en Dauphiné, les abords du glacier sont en général plus doux, soit que la retraite en soit moins prononcée, soit que la nature des dépôts soit plus favorable à la végétation. Pendant que la forêt, plus rapprochée, détache sur le blanc des neiges la verdure sombre de ses sapins, ou la silhouette frangée de ses mélèzes, les petites plantes s’avancent aussi de leur côté, et prospèrent dans un terrain qui atteste que depuis assez longtemps l’état des lieux n’a pas aussi sensiblement changé. A Zermatt, par exemple, le pâturage n’en est séparé que par quelques monticules où l’herbe a déjà pris pied ; quelques arbrisseaux s’y sont établis comme pour en voiler la nudité ; les saponnaires surtout les égaient de leurs grandes tiges à fleurs rosées ; la bergeronnette et le rossignol de muraille y font leur apparition ; le mouton, la chèvre, la vache même y trouve à brouter ; et la bergère, le bras en travers sur les yeux pour les abriter du soleil, peut trouver une distraction à son oisiveté en plongeant avec curiosité son œil rêveur dans la mystérieuse voûte de glace. – Ici, il n’y a que désolation et nudité.
Mon but n’est pas de décrire une fois de plus des régions qui l’ont été avec tant de charme et de vérité par MM. Tuckett, Whymper, Guillemin, Duhamel et bien d’autres. Je désire seulement fixer un tableau qui m’a ravi il y a une cinquantaine d’années, et conserver le souvenir des deux glaciers tels que j’eus le privilège de les voir quand ils se rencontraient encore au bout du Pré de Mme Carle.
Leur masse était alors bien plus considérable. Le glacier Noir descendait lourdement et paresseusement de gauche comme une montagne éboulée, – noir, en effet, tout sali par les débris rocheux qui de tous côtés, dans le grand cirque, avaient roulés sur lui. A droite, juste à sa rencontre, arrivait le glacier Blanc, lui, en effet, bien blanc, propre, brillant, magnifique, tantôt uni, tantôt moutonné. Il ressemblait à un fleuve surpris et figé dans sa course et dans ses efforts. Puis, rencontrant un grand escalier de roc, il finissait par une chute de cent mètres. C’est là, surtout, qu’il était beau avec sa charge d’arêtes de glace aux formes bizarres, souvent immenses, pressées, penchées, qui les faisait ressembler à un peuple vaincu, malheureux, se lamentant, changé en glaçons, – immobiles comme la femme de Loth, et pourtant en marche, et à des degrés divers déjà penchées vers l’abîme. Enfin, au bas, rencontrant son vigoureux voisin noir qui lui disputait la place, il se repliait sur lui-même, se gonflait et se renforçait magnifiquement ; et, sous cet entassement même, s’ouvrait une splendide voûte qui semblait taillé dans du cristal, et finissait en arc surbaissés dans des crevasses mystérieuses. On y entendait tomber et murmurer l’eau ; il y avait d’indéfinissables reflets d’un bleu vert et une lumière de clair de lune.
Quelle différence aujourd’hui ! Le glacier Noir s’est retiré, laissant après lui ses affreuses moraines toujours plus grandes, sales, branlantes, si pénibles à traverser ; quant au glacier Blanc, suspendu à cent mètres au dessus de son ancien lit, il a laissé à découvert la roche sur laquelle ses eaux se déversent sans gloire. Les observateurs disent que nos glaciers ont repris leur marche descendante, qu’ils sont en voie d’accroissement, et que la jeunesse actuelle peut espérer de les revoir tels qu’ils étaient dans leurs beaux jours. Si rien d’autre ne doit en souffrir, je ne puis que le lui souhaiter.
La curiosité ne nous eût pas manqué pour aller plus loin ; mais, alors, on n’osait pas même y penser. Rien n’était prévu, organisé, les voies même étaient ignorées ; le glacier était effrayant, et les parois de roches d’apparence infranchissables. C’était l’inconnu ! Il fallait être chasseur de chamois, fugitif, poussé par une nécessité quelconque, pour s’aventurer sur cette masse indéfinie et menaçante. Ces lieux allaient être dévoilés et rendus praticables par les Clubs Alpins ; mais ils étaient encore alors des bouts du monde.
Ce fond des vallées alpestres, spécialement ce fond de la Vallouise, est singulièrement impressionnant. De quelque côté que l’on porte ses regards, on ne voit que neige, glace, graviers, roches immenses, roussies, ravagées, partout closes sauf, en arrière vers l’étroit espace qui fut jadis le Pré de Mme Carle. Quelques touffes rampantes de sabine végètent à peu près seules du côté tourné vers le Sud ; plus loin, du côté du Pelvoux, protégés par sa base même, quelques vernes et mélèzes souffreteux et rabougris, dont plusieurs sont des vieillards de plusieurs siècles. C’est près d’eux que se montre aujourd’hui la masse rougeâtre et rassurante du précieux refuge Cézanne. Tout le reste est nu, déchiré, raclé, stérilisé, et parle de la guerre continue que se livrent ici les éléments.
Le soir surtout, ce coin perdu à quelque chose de sinistre. La masse écrasante du Pelvoux, ces blocs énormes précipités d’en haut, l’étroitesse de la vallée, la solitude absolue, tout y respire la crainte et le souci. C’est une sauvagerie et une solitude que rien n’adoucit ; l’on en est oppressé, et l’on pense avec soulagement à l’ouverture par laquelle on est venu et par laquelle on pourra s’en retourner. On comprend que la poésie antique, ignorante de bien des choses que nous connaissons, ait peuplé d’esprits, de demi-dieux malfaisants ou secourables, les mystérieuses et impressionnantes solitudes des eaux, des forêts, des montagnes. C’était particulièrement impressionnant alors : au sentiment de l’absolue solitude se joignait celui de l’inconnu ; point de refuge pour rassurer le visiteur, et en arrière une population alors assez mal famée.
Il se faisait tard. La sagesse conseillait de partir. Nous regagnâmes le Pré de Mme Carle. Quel pré ! En vain on en cherche l’herbe, et au moins les traces. Les glaciers l’ont enseveli ou dévoré. Il a bien pu être un pré ; pour le moment, ce n’est qu’une petite plaine de graviers à travers laquelle les eaux cherchent en serpentant leur chemin. A la vérité, les héritiers de cette dame n’en feront pas de longtemps gros argent ; mais il aura assez vécu pour valoir à son heureuse propriétaire, qui, elle, n’aura pas eu à risquer sa vie pour le conquérir, l’honneur d’avoir à jamais son nom gravé sur la carte de l’Etat-major, à côte de celui des plus célèbres ascensionnistes de toute nation.
Le soleil se couchait, et nous voulions voir encore. Ces lieux sauvages et désolés semblent posséder le privilège d’être à certains moments les plus beaux, et d’avoir leurs heures de triomphe. Ces déchirures, ces nudités, ces éboulis, ces horribles rochers, ces neiges, n’apportent alors au tableau que des éléments de beauté : les détails disparaissent, les duretés s’adoucissent, les laideurs se voilent ou se transforment ; il ne reste que des masses : et, sur ce fond puissant, comme sur une ébauche vigoureuse et magistrale , le pinceau du grand Artiste se promène et produit en un moment un tableau sublime de grandeur, d’harmonie et de coloris. Tout reçoit une parure vraiment céleste. En haut, dans une zone lumineuse, qui monte et s’éloigne peu à peu, les cimes allumées, dômes, pics, cornes d’or, neiges pures et rougies, se détachent sur un ciel d’outremer rosé, vous ravissent dans les régions du jour et de l’espérance. En bas, dans le fond, se répand un indéfinissable glacis à la fois transparent et intense, qui semble fait de toutes les couleurs, mais où foisonne l’indigo délayé dans l’or. Ce sont les voiles de la nuit qui montent comme poursuivant le jour.
Nus nous attardâmes si fort à ce Pré de Mme Carle, que nous ne pûmes qu’a grand’peine regagner les misérables chalets d’Ailefroide, où il fallait nous résigner à passer la nuit. Ils sont établis vers l’angle Nord du petit delta d’alluvions préservé entre le pied même du Pelvoux et la jonction des deux torrents, celui de Celse-Nière, qui vient du versant Sud du Pelvoux, et celui de Saint-Pierre que nous venons de suivre et qui, en cet endroit, s’est creusé un lit profond. Sur le petit pont branlant et presque à jour qui le traverse, la tête tourne et les genoux fléchissent lorsqu’on regarde cette eau s’enfuir vers un effrayant couloir où elle se débat avec fureur. Le sol est ébranlé, le bruit monte jusque vers la montagne qui le multiplie ; de nuit c’est inquiétant.
Nous allâmes au premier chalet, obstrué de fumier, de branchage, de chèvres, et de vaches guère plus grandes ; nous appelons ! Une femme échevelée se présente. Plus surprise encore que nous, elle ouvre de grands yeux, semble très inquiète de nous voir et très soucieuse surtout de ce que nous demandons à passer chez elle la nuit ; elle semble se demander ce que cela veut bien dire. Elle recule dans son antre noir, et revient suivi d’un homme de mauvaise mine, la tête très enfoncée dans le chapeau. Après quelques pourparlers avec notre guide, dans une langue qui leur était plus familière, ils consentent, comme dans un cas de force majeure, à nous laisser pénétrer dans leur intérieur, une tanière plus qu’un logis, si enfumé, si noir que, sans le feu, on n’aurait su de quel côté se trouvait la cheminée. La réputation, peu flatteuse alors, des habitants de la Vallouise, la mauvaise mine de nos hôtes, la solitude et l’éloignement de tout secours possible, l’inconnu, l’épouvantable bruit du torrent, qui faisait comme trembler le sol de ses secousses et semblait vouloir tout emporter, tout se réunissait à ce moment pour calmer en nous la poésie de la montagne et nous ramener à la réalité. Je ne pouvais m’empêcher, au fond, d’approuver quelque peu la voix féminine qui me disait : « Il eût fallu me croire et ne pas trop s’attarder là haut en dessins et en admiration ».
On nous parqua sur un peu de paille dans un petit compartiment attenant à la cuisine, au dessus du bétail dont nous entendions tous les mouvements. Nous ne dormîmes pas comme nous aurions voulu. Beaucoup d’insectes – et le torrent semblait redoubler son vacarme comme pour l’imposer à la nuit et régner à son tour sur le silence de la nature. Nous n’avions jamais rien entendu de pareil ; on eût pu se croire au soir d’un nouveau déluge. Nous sourîmes à la lumière du jour. Lassitude, insectes, mauvais logis, tout est vite passé dans l’oubli ; mais nous n’avons jamais oublié la belle soirée passée au Pré de Mme Carle.
Nous restâmes une bonne partie de la matinée à Ailefroide, à flâner, à nous saturer d’air pur, de senteurs alpestres, d’impressions forestières et prairiales, de la vie des gens pauvres, fraternisant avec poules, ânes, vaches, chiens, rossignols de muraille, qui ont toujours aimé les pauvres masures ; enfants surtout, qui firent cercle, me regardant curieusement me couvrir de savon pour m’embellir un peu au rasoir devant un petit miroir piqué au montant de la porte. Nous visitons jardins et chalets, et remarquons d’ingénieuses petites constructions en contrebas dont le toit est presque au niveau du sol, où l’on descend par un escalier extérieur, et dans lesquelles on abrite des provisions de pommes de terre qui ont cru ici et qu’on y retrouve au printemps.
Repassant le pont tremblant et délabré de la veille, où l’eau fait si grand vacarme, nous redescendons par la rive gauche, par un sentier moins doux, mais plus ajouré, bordé de trembles et de bouleaux à l’écorce blanchâtre, sur lesquels, à chaque nœud, sont dessinés comme de grands yeux qui semblent curieux de nous voir passer. Nous nous retournons bien souvent pour envoyer nos adieux et nos regrets au grand Pelvoux, dont le soleil dore en haut les larges épaules. Nous traversons les jolis hameaux des Claux, de la Pisse, de Saint-Antoine, à demi cachés sous les noyers. La population est toute aux champs : au village, rien que des malades ou des enfants. C’est la fin d’août : le temps est plus court qu’ailleurs dans ces vallées, où la mauvaise saison finit tard et commence tôt. L’on sème et l’on moissonne souvent tout à la fois ; bien des gerbes sont déjà étalées au soleil sur les galeries : ici on arrache le chaume fortement odorant ; là on divise et l’on disperse, tout bonnement avec la main, de tout les instruments le plus perfectionné, le fumier que d’autres enterrent avec de misérables attelages, quelquefois formés d’une vache et d’un âne, avec une charrue primitive qui a des rapports si frappants avec celle des Arabes qu’on la dirait héritée des Maures ou Sarrasins qui ont si longtemps occupé les passages des Alpes, et y ont tant laissé de leurs noms et de leurs souvenirs ; nous eûmes même l’occasion de voir des attelages où des femmes tirées à côté d’un âne. Ce n’est donc point une invention ! Mais la légèreté du sol et le peu de profondeur du sillon portent à croire que cette peu digne obligation, imposée quelquefois dans ces parages à la reine de la création, est moins rude que ce qu’on pourrait croire.
On trouve rarement un beau type par ici. Sur le seuil d’une porte arrondie, que les pampres d’une treille ornaient de leurs gracieux festons, nous eûmes pourtant une apparition charmante, digne du pinceau d’un maître. Une jolie paysanne un peu plus bourgeoise, à la figure douce, cœur et croix d’or au cou, amuse un enfant qui rit aux éclats. Pour entretenir sa gaieté, et selon l’usage de toutes les mères, elle lui tient un langage impossible, pousse d’absurde petits cris, et lui débite toute sorte de niaiserie qu’il ne manque pas de prendre pour du bon argent, ou de bonnes raisons, ce qui accroît la satisfaction de la maman, qui, dans la joie de produire son beau poupon, oublie que nous l’admirons bien autant elle-même. Que Dieu les bénisse et les conserve tous les deux !
L’idée nous prit de gravir les pentes d’en face, à la recherche d’un point d’où l’on pût un peu mieux voir le Pelvoux, toujours plus ou moins caché, rogné du moins par quelque repli de montagne, et qui, malheureusement, en Vallouise surtout, manque d’une vue d’ensemble. Il ne se présente tout à fait bien, au complet et dans toute sa beauté, que de loin, ou de haut par quelque forte ascension. Nous grimpâmes assez longtemps par champs et prés sans réussir à notre satisfaction ; mais ce fut encore une bonne journée de saine flânerie, comme il est utile et permis d’en prendre quelque fois. Ensuite, sur une indication du guide, nous allâmes frapper à la porte d’une ancienne maison à l’air quelque peu bourgeois, chez les Morand, braves gens qui voulurent bien nous recevoir et mettre à notre disposition une grande chambre où bien des choses semblaient parler de grandeurs passées. En causant, nous apprîmes que c’est de ce logis que sont sortis les Morand qui se distinguèrent à Lyon, comme les Tholozan de Vars, au point d’y établir leurs noms sur quais, places ou ponts. « Nous sommes pauvres, me dit le patron du lieu : dans ce pays on a bien de la peine à se maintenir. Ont y vit, mais on ne peut pas pousser les enfants, ni même entretenir les maisons. Autrefois, c’était plus facile, et il est sorti de chez nous des savants ; il y a même eu des évêques dans la famille ! ».
Le matin ,nous remarquâmes que nos draps de lit étaient traversés par de forts belles guipures. « Je crois, me dit ma compagne, qu’on nous a fait coucher dans des nappes d’autel, qui seront venus de chez Monseigneur ! ».
Nous prenons très amicalement congé de nos hôtes, et du Pelvoux dont la tête est bien en face. Il va disparaître ; et j’aime à noter que c’est le capitaine Durand, de l’Etat-major, un Aveyronnais, mon compatriote, qui, en 1835, en fit la première ascension, avec sept à huit hommes, pour la triangulation. Il y éleva une pyramide de treize à quatorze pieds autour d’un mélèze qui en avait quinze. C’est la tradition du pays.
C’est par Entraygues et les cols de la Cavale et de Champoléon, en remontant la Ronde, que nous voulions rentrer en Champsaur. Un ami, alors sous-inspecteur des forêts à Embrun, connaissant nos projets et sachant le sentier difficile du côté de Champoléon, avait bien voulu nous promettre d’envoyer au devant de nous, au col, un des ses gardes ; il ne fallait pas manquer à un rendez-vous donné en pareil endroit.
Nous quittâmes Vallouise dès l’après-midi pour aller coucher à la cabane des bergers de Bonvoisin, malgré le temps devenu très lourd et des nuages menaçants. Nous nous enfonçâmes dans la gorge d’Entraygues, par moments si resserrée qu’il n’y a place que pour le sentier et le torrent. Le ciel s’assombrissait, les gros nuages, s’entr’ouvrant, laissaient par moments passer des rayons de lumière qui faisait reluire en avant le glacier si bien nommé la Peyre de Veyre (Pierre de verre ou Verrière de pierre) ; puis des éclairs et des coups de tonnerre de mauvais augure. Bientôt, tout en retentit. C’était magnifique et bien inquiétant ! Nous étions déjà hors de la gorge ; mais il restait une forte montée pour atteindre la cabane. En aurions-nous le temps ?
Il fallait franchir un assez gros torrent trouble et gonflé, et c’était impossible par les pierres. « Je vais vous passer, dit le guide ; j’ai bon dos et je connais la passe. – Eh bien ! passez d’abord le loulou, moi après, et Madame à la fin. » – Très haut rebroussé, et tâtant le sol avec son bâton, il nous tira à son honneur et à notre satisfaction de ce mauvais pas. Mais nous tombions dans un autre, car la pluie se mit à nous envoyer son avant-garde de grosses goutes qui disaient tout. Nous étions jeunes, et pouvions mieux supporter l’essoufflement auquel nous nous obligeâmes. Nous atteignîmes la cabane comme le plus dru s’en mêlait. Nous n’y arrivions pas seuls. De tous côtés accouraient vaches et veaux, chevaux, ânes, tous les pensionnaires de cette belle montagne. C’était comme aux jours de Noé autour de cette arche de salut. Tous eussent bien voulu pénétrer dans ce refuge de quelques mètres ; malheureusement pour eux, on n’y pouvait recevoir que les gens, et il était pénible d’avoir à leur refuser une hospitalité qu’ils venaient successivement demander avec une insistance digne d’un meilleur succès.
L’hôtesse, une brave femme, assez ébouriffée, nous reçut en levant les bras au ciel : « Eh ! pauvre monde, que venez-vous querre ici ? » Les bergers arrivent aussi, couvert de sacs. Après qu’ils eurent reconnu le troupeau, quelques bêtes absentes les inquiétaient. « Avec ce temps, disaient ils, elles peuvent se précipiter ! »
Nous nous séchâmes devant un bon feu de rhododendron et de sabine, et soupâmes principalement d’excellent lait dans lequel fut directement jeté le café. Deux choses troublaient notre satisfaction de nous trouver dans un si précieux abri : c’étaient l’agitation, l’angoisse, les gémissement des pauvres animaux qui se pressaient et faisaient mur devant la cabane, sentant que là était le bonheur : leurs plaintes faisaient pitié ; puis l’intense fumée qui régnait à l’intérieur, à partir de 60 à 80 centimètres du sol, et nous obligeait à nous tenir à demi couchés.
Au dehors, éclairs, tonnerre, averses continuèrent jusque bien avant dans la nuit, que nous passâmes à peu près blanche , et non sans causer beaucoup, car, lorsqu’on sait les faire parler, les pâtres ont plus à dire qu’on ne croit. En tous cas, ils en savent plus que nous sur la région appelée la montagne. Ils nous parlent troupeaux, chamois, herboristes, accidents. Tout près venait de se passer une scène dramatique. Un homme de Vallouise avait commis dans sa propre famille, dit la femme, « un crime que ça ne peut pas se raconter. Mais ça se sut, et il vint se cacher ici, à côté, dans une balme. On le savait, mais il était fort et armé ; comment l’avoir ? Les gendarmes sont fins. Ils se coupèrent la moustache et s’habillèrent en homme du pays. Le brigadier se mit sur la tête un drap comme on en prend à la montagne pour les foins ; il put comme cela monter et s’avancer tout près. L’autre le vit, mais ne se méfia pas et ne le reconnut que quand il fut trop près et lui eut sauté dessus en l’empêchant de prendre le fusil. Ils se roulèrent, mais il le tint jusqu’à ce que le camarade resté en arrière fut arrivé. Ah ! qu’ils l’eurent bien ! Monsieur, ces gendarmes, il faut s’en méfier. Ils les savent toutes ! et ils sont si contents d’attraper quelqu’un ! – Oui, lui dis-je, mais s’ils font la peur des méchants, ils sont les amis et protecteurs des gens de bien ? – ça, c’est vrai ! N’y a qu’à bien faire pour ne craindre ni gendarme, ni personne. »
Succombant au sommeil et à la fumée, nous laissâmes notre ami et compagnon M. Broux, instituteur, particulièrement amateur de géographie, en discussion avec l’un des pâtres sur la situation du Mont Ararat, que celui-ci soutenait devoir être là, pas bien loin, en Savoie, « puisqu’il y a aussi, pour sûr, disait-il, le Mont Thabor ». Je crains bien qu’avec toute sa géographie l’ami Broux ne soit pas parvenu à le dissuader d’une semblable erreur.
Dès l’aube nous sortîmes fatigués encore, mais bien reconnaissants. Tout était changé : l’air était froid, mais le pâturage rafraichi par ce grand lavage, et le ciel d’une parfaite limpidité ; vis-à-vis, au Nord, le cirque de hautes roches où se concentrent d’immenses glaciers était admirable. Quel dommage de ne faire que passer devant ces magnificences ! Regardons bien du moins, et tâchons d’en emporter l’image durable dans les yeux et dans l’âme.
Le pâtre, depuis longtemps sorti, rentra content d’avoir retrouvé ces génisses, qui, faisant preuve d’une sagesse précoce, s’étaient abritées sous une avance de rocher. Comme il ne peut que bien connaître la montagne, nous le prenons pour nous guider. Il arrive avec son fusil. « Il y a souvent des chamois là-haut, dit-il. –Eh bien ! l’ami, s’il y a des chamois là-haut, je tiens beaucoup à les voir, et non à les effrayer. Aujourd’hui vous êtes à moi, un autre jour vous pourrez y aller pour vous ! » Bien nous en prit, car, après une assez longue ascension, en débouchant sur une croupe, cet homme aux yeux de lynx : « Les voilà ! dit-il, tenez, là, à gauche ; ils vont traverser sur la neige ». Nous étions en face d’un assez grand névé, étendu comme un drap blanc sur l’éboulis qui descendait de la pente même du col que nous allions gravir. Et nous voyons avancer sur cette neige, à portée de fusil, fier, élégant, tête haute, un de ces magnifiques animaux, puis, l’un après l’autre, sans se presser, deux, trois, et jusqu’à quinze. Qu’ils sont beaux, ainsi libres, chez eux, s’harmonisant avec la nature pour laquelle ils ont été faits ! Le névé franchi lentement, les voilà sautant et filant promptement à droite. Mais ce n’est pas fini ! En voici encore un qui s’avance sur la neige. Il se retourne. est-il blessé ? Non, c’est une mère en sollicitude pour un petit qui fait des difficultés pour la suivre. Il vient pourtant ; puis il hésite encore, et la bonne mère l’attend tous les quelques pas. Vers le milieu elle se couche : le petit vient. Alors elle se lève et passe à l’autre bord ; cette fois le petit court après elle, et ils disparaissent bientôt eux aussi dans les rochers.
En haut, sur le col même, quelqu’un debout. C’est sans doute le garde qui nous attend déjà ? Mais, non, c’est encore un chamois qui, les autres passés, s’empresse de les suivre. Ce spectacle ne valait-il pas cent fois le rôti de chamois que nous eût servi quelque hôtesse ?
Le col de la Cavale est pelé, mais doux. Il est double. De Vallouise il aboutit d’abord au sommet de l’Argentière, val étroit, très nu, surtout en haut, mais à belles lignes. Un peu plus bas on aperçoit un petit lac très engageant, un vrai miroir à chamois. C’est un peu plus haut, à droite du col de la Cavale, que se présente celui de Champoléon, où nous vîmes bientôt arriver notre garde avec une ponctualité toute militaire. Ce brave homme nous fut très utile, car des nuages vinrent nous y chercher ; et, sans lui, je ne sais trop comment nous nous serions tirés du sentier glissant, à peine tracé dans les schistes, par lequel débute la descente sur Champoléon.
Je ne m’arrête pas à cette vallée. C’est toujours l’Alpe grandiose et intéressante ; mais de ce côté c’est très long, et rien de particulièrement beau. Il vaut mieux se hâter et regagner le beau et riche Champsaur.
Source : Annuaire du CAF -28ième année – 1901
Le pertuis du Viso
Si vous cherchez une randonnée insolite, si vous souhaitez vous dépayser et découvrir quelque chose de différent dans le Queyras, alors c’est au tunnel de la Traversette qu’il faut aller !
Situé sous le col du même nom, à la limite des communes de Ristolas (05) et Crissolo (Italie), l’ouvrage est creusé entre juin 1479 et novembre 1480, à l’initiative de Ludovic II, marquis de Saluces, pour relier la Provence et le Dauphiné à son marquisat, et en particulier sécuriser la route du sel. Ce projet, présenté au Parlement de Grenoble, reçoit l’aide du roi de France, Louis XI, du marquis de Montferrat et du seigneur de Provence.
D’une longueur de 75 mètres, d’une hauteur d’environ 2 mètres et d’une largeur moyenne de 2,5 mètres la galerie en pente vers le côté piémontais s’étage entre 2900 et 2915 m d’altitude. Il est dimensionné de manière à permettre le passage d’un mulet bâté et d’un homme courbé. L’emprunter permet d’éviter de franchir le col de la Traversette, à 2 947 mètres d’altitude.
Sur le plan économique, il permet de réduire de trois jours le trajet de Grenoble à Saluces, en évitant le duché de Savoie qui contrôle alors le col du Mont-Cenis, ce qui favorise le commerce. Les caravanes reliant la Provence à Turin gagnent jusqu’à trois semaines par rapport à l’itinéraire sud qui emprunte le col de Montgenèvre. De France étaient exporté de nombreux produits – du sel de Provence (Etang de Berre) notamment pour les troupeaux du marquisat, des étoffes, des brocarts et des chevaux. D’Italie étaient importés du riz, de la laine et des peaux. Le sel était stocké dans des greniers notamment à Chateau-Queyras et Guillestre. Les denrées remontaient en barque jusqu’à Savines, en remontant la Durance.
Fermé au XVIe siècle, rouvert puis fermé à plusieurs reprises, le pertuis du Viso a été redécouvert par les alpinistes dans les années 1900, puis restauré en 1907 grâce au concours du Club Alpin Italien, et du Touring Club Français. Sa réouverture a été officialisée le 25 Août 1907. Ce « tunnel du sel » a été aussi notoirement une route de contrebande jusque dans les années 50. En 1997, le Parc Naturel Régional du Queyras et la commune de Ristolas engagent des travaux afin de rendre à nouveau praticable le tunnel aux randonneurs. La dernière restauration date de 2014.
L’histoire prête qu’ Hannibal serait passé par le difficile col de la Traversette en 218 avant Jésus Christ. Difficile d’imaginer un tel périple notamment avec 37 éléphants, 15000 chevaux et 30000 hommes ! Cependant, une analyse carbone de vieux crottins de cheval trouvés dans cette zone datent ceux-ci aux alentours de 200 avant J.C. Hannibal aurait donc pu emprunter l’itinéraire passant par la Haute-Durance …
Source: www.envie-de-queyras.com
Cartes IGN
Nouveau service de l’IGN qui permet d’observer les évolutions du territoire au cours du temps : on peut consulter les données géographiques historiques et les comparer avec les photographies aériennes actuelles.
Par exemple, on peut y voir l’évolution du glacier Blanc entre 1860 (carte de l’état-major) et 2015 (photographies aériennes IGN).
http://www.ign.fr/institut/actus/lancement-service-remonter-temps
Le Peyrou et la Meije
Dans la montagne dominant Villar d’Arène, il y avait autrefois un puissant château très haut perché. Le maître du château était paillard, grossier, rude, mais il n’y avait pas de chasseur plus audacieux que lui : infatigable, il savait forcer une harde de chamois ; courageux, il savait attaquer dans sa tanière, le terrible ours des montagnes ; hardi, il savait franchir les rochers les plus abrupts.
Ses propriétés s’étendaient du Chambon jusqu’à Briançon. Il était devenu le maître de la route du Lautaret où il avait installé un péage. Un jour qu’il visitait ses terres, il rencontra une jeune fille qui filait de la laine devant sa maison. Anne, car elle portait ce doux nom, était plus blonde que la moisson, plus belle que les Vénitiennes et plus sainte que la Mère de l’Enfant de Dieu. Il en tomba follement amoureux et devant son refus, il essaya de rompre sa chair et d’égarer son esprit dans des entreprises de chasse périlleuses, qui ne lui donna ni le calme ni le repos. Il essaya de se gorger d’autres chairs et cela ne fit pas davantage.
Enhardi par le Démon qui s’était emparé de son cœur et de son esprit, il chargea ses serviteurs de s’emparer de la jeune fille qui la ramenèrent par une nuit sans lune au château. Elle ne lui fit pas de reproches, mais elle lui fit serment qu’il n’aurait rien de sa chair. Il essaya de s’approcher d’elle, et un soir, comprenant que le démon guidait ses gestes, Anne se servit pour se défendre de la seule arme en sa possession: le fuseau. Elle le blessa à la main droite et la laine blanche devint rouge. Sentant sa vie éternelle en péril, la jeune fille en profita pour s’enfuir.
Au château, la colère s’empara du seigneur chevalier, dans la nuit, un hurlement sinistre retentit du Lautaret à Briançon, les âmes pieuses se signèrent pressentant un malheur, les pénitents revêtirent leur cagoule et prièrent le reste de la nuit.
Après bien des fatigues, Anne arriva au sommet du plateau en face duquel se dresse la Grande Meije.
On avait édifié à cet endroit un oratoire en l’honneur de la Mère de Dieu. Lasse, le corps rompu, la jolie fileuse s’agenouilla devant l’autel et se mit à prier. Pendant ce temps, sans doute guidé par le diable, le seigneur chevalier la trouvât et lorsqu’il ouvrit la porte de l’oratoire. Elle s’écria: «Sainte Vierge, je suis seule, prenez-moi, protégez-moi, cachez-moi dans le rocher, au sommet de la Grande Meije, par pitié !» Et le miracle se produisit, une lumière céleste éblouit le seigneur chevalier qui entendit les paroles divines: «Repens-toi, chevalier félon, car cette jeune fille si pure sauve son âme. Pour expier tes fautes tu ne seras plus le lion courageux et libre du val de la Romanche, mais le lion de pierre en face de moi, sur le Peyrou d’Amont, en face d’elle qui a choisi le sommet de la Grande Meije». Pendant toute l’éternité, ils seront ainsi en face l’un de l’autre: le chevalier déloyal et la belle fileuse.
Dans ce face à face éternel, on dit que la Meije devient parfois plus aérienne lorsque la belle fileuse pardonne à son persécuteur. En revanche quand elle se voile de nuages menaçants, les gens disent qu’elle se protège ainsi des attaques du seigneur chevalier tapit en bas au Peyrou d’Amont qui a pris définitivement la forme d’un lion couché et blessé à mort.
Que ceux qui feront la Meije et bivouaqueront au sommet se recueillent et écoutent. En se penchant vers l’abîme, par-dessus le glacier, ils entendront les plaintes angoissantes du seigneur chevalier, mais tout près d’eux, ils sentiront la présence de leur ange gardien qui veillera sur eux. Anne prie pour ceux qui exposent leur vie par noble idéal, invisible mais présente, elle les suit de rocher en rocher, elle les réconforte. Si le grand malheur survient, alors, elle leur apparaît et adoucit les transes de la mort. Elle se penche sur le pauvre corps brisé et dans un grand élan d’amour elle lui donne la grande joie de mourir dans ses bras.
Source : Association coutumes et traditions de l’Oisans
Lacs des Ecrins
Territoire exceptionnel de haute montagne, situé à la frontière des Alpes du Nord et du Sud, la position du massif des Ecrins lui apporte la diversité des espaces nordiques et méditerranéens. De profondes vallées percent le massif jusqu’à son cœur de glace, une forteresse qui culmine à 4101 m, à la Barre des Ecrins, entourée d’autres sommets tout aussi prestigieux tels que la Meije, le Rateau, les Agneaux, le Pelvoux, les Bans, l’Olan, le Sirac, … Détenteur de rareté, ce vaste territoire cache aussi, en son sein de nombreux joyaux disséminés au pied de ces prestigieux sommets ; ce sont les lacs des Ecrins: Lauvitel, Pavé, Eychauda, Distroit, Mariande, Pétarel, Surat, Pissoux, Vallon, …, on en dénombre 44 dans la zone cœur du Parc National des Ecrins.
Pour partir à leur rencontre => LacsPNE
Spectre de Brocken
Depuis des époques très reculées, la montagne du Brocken (Allemagne) a été réputée comme le théâtre habituel d’apparitions extraordinaires. Les paysans du pays parlent encore aujourd’hui du Brocken avec un certain effroi. Ce sommet, qu’ils croient ensorcelé, leur inspire des terreurs superstitieuses. Ils redoutent d’en faire l’ascension à l’heure du lever du soleil, car c’est à ce moment surtout, que d’après leurs récits, des spectres formidables apparaissent au sein de l’air, que des ombres colossales surgissent au milieu des nuages …
Ce phénomène rare qui s’aperçoit plutôt en montagne est aujourd’hui bien connu. Il est formé par la diffusion de la lumière par les gouttelettes qui forment le brouillard. La condition optimale pour l’observer est d’avoir un Soleil bien dégagé derrière soi et une nappe de brouillard devant soi. On a donc le Soleil dans le dos, et l’on observe l’apparition d’un cercle lumineux et coloré à l’exacte opposée du Soleil. Ce cercle lumineux a pour nom la Gloire. On observe aussi une zone centrale sombre, qui n’est autre que l’ombre de l’observateur, cachant le centre et le bas de la Gloire: c’est le Spectre de Brocken. Chaque personne voit donc son propre spectre.
On peut aussi se reporter à la description qu’en fait Charles Baudelaire dans les Paradis artificiels Spectre du Brocken
Histoire de La Meije
Pour la Meije, second sommet du massif, l’origine du nom est sans problème. Mais rappelons d’abord que cette appellation qui a prévalu est celle de la Grave, alors que pour le versant sud des Etançons c’était le « Bec des Peignes » (cadastre de Saint-Christophe 1830) nom très suggestif pour qui a vu cette montagne depuis le vallon des Etançons. Il subsiste encore pour les chasseurs de chamois des endroits dénommés « les Peignes » dans le massif de la Meije, survivance tenace. Signalons aussi que la Meije a été nommée d’abord « Pointe de Mallaval » d’un lieu-dit entre le Chambon et La Grave d’où l’on aperçoit pointer ce sommet au sens propre du terme. La première mention en est faite par La Blottière en 1712. Il divise le massif en deux « les montagnes de Mallaval vis-à-vis le village de La Grave sur lesquelles il y a toujours des glaciers et la montagne de l’Ailefroide au-dessus de Vallouise sur laquelle il y a aussi beaucoup de neige ». Mais la pointe de Mallaval deviendra vite en 1749 (carte de Bourcet) « l’Aiguille du Midi » ou l’Aiguille du Midi de La Grave pour la différencier de beaucoup d’Aiguilles du Midi, celles de Chamonix et bien d’autres, les Dents du Midi (Valais), les Pics du Midi d’Ossau et de Bigorre dans les Pyrénées, le Pic du Midi des Andrieux dans le Valgaudemar, le Mittaghorn en Suisse, liste évidemment non-exhaustive mais qui montre qu’en tous lieux, n’ayant pas d’horloge, on était obligé de chercher midi en conjuguant (sens étymologique) le soleil et un sommet. On peut aussi chercher les 11 heures! Ainsi la « Cima Undici » dans les Dolomites. En 1834, on voit apparaître, à côté de la traduction française, la forme patoise « la Meidjour » (milieu du jour) vite transformée en Meidje et c’est ce nom qui va l’emporter et être fixé définitivement par la carte d’état-major au 80000ème en 1866. Enfin le « d » se perd pour donner la Meije que nous connaissons actuellement. Notons que la forme patoise a subsisté aussi en certains endroits. Il y a ainsi trois Rochers ou Aiguilles de Miejour en Haut-Ubaye et dans le Queyras.
Source : Livre « Noms de lieux, quelle histoire ! » de Pierre Barnola et Danièle Vuarchex