En l’an huit cent et quelques, monseigneur Arey, évêque de Gap décide d’aller présenter ses pieuses salutations à sa sainteté le pape à Rome. Il entreprend le voyage, mettant presque deux mois pour arriver à la ville éternelle ! Au retour, le voyage est encore plus long car il décide de revenir par le col du Montgenèvre et la source de la Durance afin de se reposer quelques jours chez son ami l’évêque d’Embrun. Ses bœufs bien reposés, lui-même ragaillardi par le bon air de l’Embrunais, il reprend son modeste char et se met en route vers son diocèse Gapençais. Tout à coup, alors qu’il franchit le torrent de Boscodon sur un petit pont branlant, un ours énorme sortant du bois se jette sur ses bœufs et en dévore un. Monseigneur Arey, nullement intimidé, ordonna à l’ours de remplacer le bœuf. “Touché par la grâce”, il prit docilement le joug. C’est sur cet équipage que monseigneur Arey est arrivé dans sa bonne ville de Gap. Quant à l’ours, bien traité et bien nourri dans l’écurie de l’évêché, il était mieux là qu’à courir les bois pour essayer de trouver sa nourriture. Au début, les Gapençais, craintifs, s’éloignaient quand ils voyaient dans les rues l’évêque qui se promenait, tenant en laisse l’énorme animal, comme si c’était un chien. Et puis les jours ont passé, les mois, les années même et tout le monde s’est habitué. L’ours était devenu un familier du bon peuple de Gap, qui lui offrit une chaîne faite d’or et d’argent. Puis vint le jour où monseigneur Arey, qui était déjà bien vieux, est mort. Lors de son enterrement, l’ours suivait tristement la procession en gémissant. Quand le tombeau s’est refermé sur son maître, l’ours est parti et plus jamais personne n’a entendu parler de lui. Quelques siècles plus tard, le long du torrent de Boscodon, au dessus d’Embrun, s’est édifié l’abbaye de Boscodon et des moines sont venus s’installer. Un jour, quelques moines qui recherchaient des plantes médicinales au dessus du monastère, ont trouvé un endroit curieux qui semblait avoir été fréquenté jadis. Il y avait là une source clair et, pas très loin, une sorte de grotte. Ils y pénètrent et là ils trouvent le squelette d’un énorme animal, un ours selon toute apparence et ce qui les étonne le plus, c’est que l’animal porte autour du cou une chaîne d’or et d’argent. Il lui fut donné une sépulture, mais ils perdirent la chaîne en chemin. Depuis le fantôme vivant de “Messire Brun”, lourde silhouette, déambule dans les profondeurs de la forêt de Boscodon à la recherche de sa chaîne.