Le premier alpiniste qui se soit dirigé vers la Barre des Ecrins est Francis Fox Tuckett. En juillet 1862, avec les deux guides Peter Perren et Michel Croz, il tente l’ascension par le Glacier Blanc. Arrivé sous la face Nord, au pied des difficultés, vers 3400 mètres d’altitude, Tuckett estime défavorable l’état de la neige est renonce à l’ascension. Ils redescendent sur la Bérarde par le Col des Ecrins en réalisant ainsi la première traversée de ce col. Cette même année en août, deux touristes Anglais, Thomas George Bonney et William Mathews, guidés par Michel Croz, poussent plus loin une attaque par la même voie et arrivent un peu en dessous de la dépression qui sépare le Dôme de Neige du sommet. Le sommet est à 200 mètres mais une énorme rimaye les empêche de poursuivre.
Deux années plus tard, Edouard Whymper est de retour en Dauphiné avec la ferme intention de gravir ce sommet qu’il avait entrevu depuis le Pelvoux quelques années auparavant. Deux autres alpinistes britanniques, Adolphus Warburton Moore et Horace Walker ainsi que deux guides, Michel Croz et Christian Almer, sont associés à cette aventure. C’est donc une équipe de 5 grimpeurs qui part de la Grave le 23 juin 1864, traverse la Brèche de la Meije en réalisant au passage la première traversée et arrive à la Bérarde en fin d’après-midi. Pour l’anecdote, ce même jour, un certain Alexandre Pic avait pour mission de transporter par la route les bagages de nos grimpeurs de la Grave à la Bérarde. Le nommé Pic arriva seulement le lendemain matin. Il remit tout le matériel qui lui avait été confié à l’exception des cigares prétextant une incroyable histoire de brigands qui l’auraient assommé et dépouillé des cigares. « Le plus grand menteur du Dauphiné » conclura Whymper.
Ce même jour, aidé par 2 porteurs, ils montent bivouaquer au fond du vallon de Bonne Pierre pour entreprendre le lendemain l’ascension par le Col des Ecrins. La nuit se déroule sans incident si ce n’est la manifestation d’un curieux phénomène physique. Une outre de vin, accroché à un rocher la veille au soir, se retrouve, au petit jour, diminuée d’une grande partie de son contenu. D’après les porteurs Dauphinois, la sécheresse de l’air en serait la cause. Whymper vérifiera par la suite que cet assèchement naturel disparait lorsqu’il place l’outre sous sa tête pendant son sommeil. La cordée arrive au Col des Ecrins vers 6 heures du matin, et découvre dans toute son étendue le versant Nord. Les pentes sont gravies sans difficultés jusqu’à la rimaye terminale au pied de la Barre. La dernière pente très inclinée, monte d’un seul élan vers l’arête sommitale. La rimaye est énorme mais présente une faiblesse à son extrémité gauche, à l’opposé du point que Croz avait atteint deux ans auparavant. Ils franchissent la rimaye vers un peu plus de 8 heures. La montée directe, le long de l’arête bordant à gauche la face terminale, s’avère impossible. Ils décident donc de suivre la lèvre supérieure de la rimaye jusqu’à trouver une ligne favorable à la progression. Faute de mieux, ils attaquent un couloir verglacé qui va obliger Croz et Almer à tailler, avec l’aide de leur piolet, dans la glace, d’innombrables marches. C’est un travail épuisant mais qui va leur donner accès à l’arête non loin du sommet. Il est 12h30, ce 25 juin 1864. Une heure plus tard, à 13h30, Whymper et ses compagnons parviennent au sommet. Après avoir longuement contempler le prodigieux panorama qui s’offre à eux, vint le souci de redescendre. Considérant la descente par l’itinéraire de monté trop difficile, ils s’engagent sur l’arête Ouest. Le parcours est difficile, mais ils arrivent au dessus d’un ressaut qui domine la Brèche séparant l’arête du Dôme de Neige. Les grimpeurs doivent de nouveau s’engager dans le face Nord et c’est Almer qui de nouveau taille des marches jusqu’au bord supérieur de la rimaye qui surplombe la Brèche Lory de 3 mètres. Il est presque 17 heures. Chacun saute à son tour et la caravane dévale les pentes du glacier Blanc pour arriver dans l’obscurité totale à Ailefroide.
La seconde ascension sera réalisée trois ans plus tard, en 1867, par un Grenoblois, Henry Vincent qui suivra le même itinéraire que Whymper et ses compagnons. La troisième ascension sera réalisée en 1870 par William Auguste Coolidge qui tracera l’itinéraire direct de la face Nord.
NB : Depuis 2014, des chercheurs mettent en doute plusieurs premières dont celle des Ecrins qui aurait pu être réalisée durant l’été 1853 par le lieutenant Meusnier dans le cadre de travaux pour affiner les triangulations du Capitaine Durand de 1830.
Sources :
La Saga des Ecrins de François Labande aux éditions Guerin
La Barre des Ecrins de Henry Isselin aux éditions Arthaud