Culminant à 3841 mètres, situé aux confins du Queyras et du Piémont, le mont Viso est l’un des plus hauts sommets des Alpes italiennes et le point culminant des Alpes cottiennes. Connu depuis l’antiquité sous le nom de Vesulus (Visible), il était considéré par les romains comme le toit du monde. C’est une magnifique montagne, majestueuse et solitaire, visible de partout, qui fascine par la hauteur de ses différentes faces et en font un objectif de choix pour les alpinistes. Mais, c’est aussi un paradis pour les randonneurs qui sont nombreux à en faire le tour.
La première ascension a été réalisée le 28 août 1861 par les Anglais William Matthews et Frederick William Jacomb accompagnés des guides Michel et Jean Baptiste Croz. Mais bien avant cet exploit, un géologue Ecossais, James David Forbes, effectuait en juillet 1839 le premier tour répertorié du Viso, en quatorze heures au départ du Haut Guil.
Petite histoire du pays du Viso
Les vallées du Viso étaient habitées par des tribus Gauloises, issues des premiers peuplements celto-ligures de l’âge du fer. Elles donnèrent du fil à retordre tant à Hannibal qu’à César, venu soumettre les Gaules cent quarante ans plus tard. Parmi ces irréductibles, se trouvaient les Quariates qui donnèrent leurs noms au Queyras et les Taurini qui donnèrent le leur à Turin. Ils étaient assujettis au royaume de Suse, dont le monarque Cottius fit par la suite allégeance à Auguste avant que Néron n’en fasse une province Romaine. Cottius passa dans l’histoire en donnant son nom à cette partie de l’arc alpin située au nord des Alpes Maritimes, les Alpes Cottiennes. La littérature antique a laissé de nombreux témoignage sur le Viso, une montagne déjà emblématique à l’époque car elle se laissait voir de fort loin. Virgile est le premier auteur à nommer le mont « Visible ». Nombreux furent à sa suite poètes et savants à en faire l’article : de Dante, qui fut le premier à le citer en italien dans le chant du XVI de son Enfer, à Leonardo di Vinci en passant par Pétrarque. L’évangélisation au IVème siècle, après que le christianisme eut été toléré par l’édit de Milan en 313, donna lieu à de nombreux mythes. Celui de Saint Chiaffré et des légions Thébéennes imprégna profondément la culture religieuse locale. Les invasions dites barbares, à partir du Vème siècle, plongent ces vallées dans l’oubli. Avec le Moyen Âge, la géopolitique du secteur se dessine et porte en elle les germes de tous les conflits à venir. Sujets des comtes de Provence et de l’archevêque d’Embrun, les habitants des vallées du Queyras et du haut val Varaita passent, à la fin du second royaume de Bourgogne, sous l’autorité du Saint Empire Romain Germanique. En achetant ce fief vers 1050, le comte d’Albon fait entrer cette partie du pays du Viso dans le Dauphiné. Son descendant Humbert II, en vendant ses possessions au roi de France, fit devenir françaises ces vallées. Au début du XIIème siècle, les communautés montagnardes s’organisent en communes. En 1343, cinquante-deux d’entre elles font signer au Dauphin la grande charte des libertés Briançonnaise. C’est la république des Escartons qui accorde autonomie administrative et exemption fiscale. Ces avantages étaient consentis en contrepartie du payement d’une rente perpétuelle assise sur la propriété foncière. Les nobles y étaient assujettis, ce qui entraina la disparition progressive par extinction ou par émigration de la noblesse locale. Ces privilèges prendront fin avec la nuit du 4 août 1789 pour les vallées Briançonnaises restées françaises. Le Briançonnais, rattaché à la couronne de France en 1349, fait l’objet de convoitise sans fin entre puissance européenne en formation, désireuse de s’arroger la mainmise sur les voies de communication transalpines. Le val Pellice, qui faisait partie de la Maison de Savoie, le val Po et le bas du val Varaita dont la frontière s’établissait à Sampeyre, n’échappaient point à ces appétits. Bien au contraire. Les guerres d’Italie qui s’étalèrent de 1494 jusqu’au traité d’Aix-la-Chapelle en 1748 ravagèrent et ensanglantèrent la région. Changeant d’alliés ou d’ennemis au gré de leurs intérêts, les grandes familles royales européennes s’écharpèrent allègrement en ces coins perdus des Alpes qui avaient le grand tort d’être situés entra la vallée du Rhône et la plaine piémontaise… Pile sur le passage des armées. Des enjeux et des luttes de pouvoir se tramant à Paris, Vienne ou Madrid transforment les cols et les fonds des vallées du Viso en champ de batailles. Avec parfois des conséquences plus funestes encore pour l’avenir, tel ce traité d’Utrecht mettant fin aux guerres de Successions d’Espagne qui établit en 1713 une frontière sur la ligne de partage des eaux. Au nom du terrible principe de nation, l’arbitraire tracé sépara des communautés qui partageaient jusque-là langues, coutumes et mode de vie. Mais plus encore que le sanglant nationalisme, ce fut bien l’hystérie religieuse qui ruina le destin des habitants de ces hautes vallées. Persécutés dès leur apparition à la fin du XIIème, les sectateurs de Pierre Valdo se réfugient dans les vallées alpines. Leurs rejets des sacrements, du culte de la Vierge, des Saints et des reliques, leur négation de l’autorité du Pape et du Clergé y trouvent un certain écho. Après le synode de Chamforan en 1532, l’adhésion des Vaudois à l’église réformée exacerba à partir du milieu du XVIème siècle une interminable succession de massacres, déportations, razzias et expéditions punitives. Ainsi, le Queyras, entre exécutions, exils et condamnations aux galères, perdit le tiers de ces 11000 habitants pendant les dragonnades qui suivirent la révocation de l’Edit de Nantes. Si en Queyras, la foi protestante a continué de manière clandestine et marginale jusqu’à l’Edit de Tolérance de 1787, la tradition Vaudoise s’est maintenue contre vents et marées dans le val Pellice. En témoigne le souvenir de la « Glorieuse Rentrée » des survivants de la guerre d’extermination menée par Catinat, général de Louis XIV. Partis de Suisse où ils s’étaient réfugiés, les Valdesi retournèrent dans leur vallée après une randonnée épique de onze jours à travers les Alpes. L’animosité entre communauté, si elle semble aujourd’hui faire partie d’un triste passé, continua pourtant à se faire ressentir bien après la fin de l’Ancien Régime. C’est du moins ce que laisse à penser, par exemple, ces lignes de Coolidge écrites à la fin du XIXème : « On a colporté sur le compte des Vaudois beaucoup de récits monstrueux. L’on a écrit qu’ils pratiquaient des cérémonies impures et licencieuses et qu’ils se prostituaient à tout venant : calomnies et inventions contre lesquelles ils protestent et protestent également tous ceux qui ont eu commerce avec eux. Tous témoignent de leur honnêteté et de leur tenue réservée. » Manifestation de ces temps d’intolérance, réminiscences du poids de la Contre Réforme sur les vallées et la plaine piémontaise, les croix et les Vierges fleurissent aujourd’hui la quasi-totalité des sommets du secteur. La guerre de Quatorze fit également payer son tribut de chair à canon aux vallées du Viso, accentuant encore une désertification déjà bien engagée. Toutefois en altitude, les marques les plus visibles de la folie humaine sont celles laissées par la Seconde Guerre Mondiale et ses préparatifs. La militarisation de la frontière voulue par le fascisme italien se laisse encore partout à voir. Postes de surveillance, casemates et barbelés en tous genres garnissent cols et crêtes.
Source : Visotopo.com